dimanche 24 août 2008

Be Kind, Rewind !


Je m'éloigne l'espace d'un instant de l'épopée norvégienne pour effectuer une courte pause cinéma, et vous parler du dernier film de Michel Gondry sorti en 2008, Be Kind, Rewind (Soyez sympas, rembobinez ! en français). L'histoire se déroule à Paissac dans le New Jersay : Mr Fletcher tient un vidéoclub au chiffre d'affaire bien peu élevé dans un bâtiment jugé insalubre et dangereux, que la mairie menace de démolir afin de moderniser le quartier. S'absentant quelques jours, il doit confier la gestion de son commerce à Mike, qu'il a élevé. Seulement Mike et son ami Jerry sont pas les hommes les plus fins du monde. Jerry est persuadé que la centrale életrique à côté de laquelle il vit produit des micro-ondes néfastes pour sa santé : il décide de la détruire. L'opération échoue, pire : son cerveau est magnétisé. Il rend visite à Mike dans le vidéoclub pour lui relater son échec, mais le magnétisme dont il est emprunt efface toutes les bandes vidéos du magasin. Or, la plus fidèle cliente, un peu limitée mentalement elle aussi, se rend compte de la situation, et menace de tout relater à Mr Fletcher si elle ne peut pas emprunter la vidéo de SOS Fantômes. Mike ne réussissant pas à se procurer cette vidéo, Jerry lui propose une solution de dernière minute : tourner eux mêmes un remake du film, en espérant que la cliente ne se rende compte de rien... Il s'avère que c'est un succès total, et les gens du quartier en redemandent. Mike et Jerry décident de continuer à tourner d'autres films pour remplacer les bandes effacées, et leurs remakes fonctionnent à merveille, les caisses du magasin se remplissent de nouveau, jusqu'au jour où les autorités viennent saisir toutes les créations de Mike et Jerry et les condamnent pour plagiat...
Voilà un avant goût en image avec la bande annonce.

Nombreux sont ceux qui verront dans Be kind, rewind une simple comédie à regarder un dimanche après midi, quand on a n'a pas véritablement envie de réfléchir, mais plutôt de s'affaler dans son canapé pour tenter d'oublier que les minutes qui passent nous rapprochent inexorablement du lundi et de la nouvelle semaine qui commence. C'est vrai que sur la forme tout est fait pour que le spectateur se laisse aller et passe un bon moment : des situations burlesques, un scénario particulièrement bien ficelé, deux acteurs principaux (Jack Black et Mos Def) brillants dans leurs registres respectifs, de l'émotion juste quand il en faut, et une fin un poil à l'américaine (bien qu'un peu décevante selon moi) qu'appréciera le spectateur du dimanche.

Mais ça ne s'arrête pas là, ça serait mal connaître Michel Gondry. Le natif de Versailles nous gratifie non pas d'une simple comédie, mais d'une véritable ode au Cinéma (avec un grand C), un hommage aux films "qui ont du coeur, et une âme". Est sous-jacente l'idée que le cinéma est parfois réduit à son aspect financier, au détriment de la créativité, l'innovation, et la diversité. On retrouve cette opposition dans la compétition que se livre le vidéoclub tenu par Mr Flectcher, qui propose toutes sortes de film pour un prix dérisoire, et son concurrent qui lui se concentre sur le top 10 du box office pour toucher le jackpot. On retiendra aussi la scène de tournage des remakes de 2001 l'Odyssée de l'espace, Robocop, Boyz N The Hood, Le Roi Lion, à la fois tordantes par l'appropriation qu'en font Mike et Jerry, et impressionnantes de par les méthodes de tournage et les astuces utilisées par les deux compères. Gondry tacle ici les grosses productions aux réalisations sans queues ni têtes, et célèbre ce qui fait l'essence du cinéma : la créativité.

Etle réalisateur d'Eternal sunshine of the spotless mind (entre autres) de continuer en mettant sur la table une seconde réflexion, celle de la propriété intelectuelle, problème souvent sous les feux de la rampe de par l'extension de l'utilisation d'Internet et les téléchargements illégaux qui peuvent en découler. Ce sujet est matérialisé dans Be kind, rewind par l'intervention des autorités chargées de détruire toutes les productions de Mike et Jerry, ne respectant pas le copyright des films qu'ils retournent à leur façon. Si la question de la propriété intelectuelle mérite un véritable débat et présente un grand intérêt, elle ne peut être traitée en quelques lignes tellement le sujet est vaste, les enjeux compexes et les points de vue variés (on peut opposer par exemple le groupe de rock Franz Ferdinand qui se réjouit de voir ses albums téléchargés, ceci étant signe de qualité, aux producteurs de Bienvenue chez les Ch'tis qui pestent contre le téléchargement qui, selon eux, ne leur a pas permis de dépasser Titanic au box office français). Je ne me contenterai uniquement ici de donner l'un d'entre eux (et par la même occasion le mien). Il est normal de récompenser tout créateur pour son travail, que celui soit d'ordre scientifique, technologique, etc, sans quoi il n'est plus de motivation à la recherche. Quel est l'intérêt de travailler sur un projet pendant des années, si c'est pour au final voir les fruits de son travail pillés ? Il en va de la qualité de cette recherche de protéger le travail de ceux qui y contribuent, le tout dans une certaine mesure afin d'en permettre une diffusion et une utilisation efficaces, utiles à la société. Mais en ce qui concerne le champ artistique, je suis de ceux qui considèrent qu'il ne doit en aucun cas exister de frein à l'accès à la connaissance et la culture. Certes le créateur doit être récompensé pour son oeuvre, sous peine de brider la création artistique, mais le prix de cette récompense ne doit pas être endossé par l'utilisateur dont l'objectif final est d'accroître son bagage culturel. Tout individu doit pouvoir être capable de s'approprier une création artistique (au sens figuré, si tout le monde avait le droit d'avoir un Picasso chez lui on aurait du mal à s'en sortir...), afin de s'en servir et pourquoi pas de la réutiliser en lui donnant une touche personnelle. Je retrouve cet état d'esprit dans le film de Gondry, quand Mr Flectcher explique aux autorités qu'il ne s'agit pas de plagiat, mais bien de création à partir d'éléments déjà existants.

Si l'extension de l'utilisation d'Internet porte un coup à l'industrie du cinéma (et du disque), on peut espérer qu'elle va permettre aux maisons de production d'effectuer une sélection des projets les plus significatifs, ceux pour lesquels on est prêts à se déplacer au cinéma, pour passer un bon moment et renouer avec les plaisirs que le grand écran peut nous procurer.

4 commentaires:

Unknown a dit…

très bonne article, je sais pas si c'est clément fifou qui l'a écrit mais je suis bien d'accord avec celui qui l'a redigé. La solution la plus classe a été apporté par radiohead en octobre dernier qui a mis a disposition son album online pour le prix que souhaite mettre l'acheteur.

Les parapluies de Bergen a dit…

C'est bien Clément Fifou en direct de Bergen !

Stanford Psycho a dit…

De toute façon ça leur fait la b*** aux maisons de disques...

Saraccroche a dit…

Excellent article, je suis tout à fait d'accord avec toi! Et j'ai loupé la sortie de ce film de Gondry que j'attendais, je m'en vais de ce pas le télécharger ;)