dimanche 18 janvier 2009

Ich bin ein Berliner

Cette phrase, prononcée par Kennedy s'élevant contre le mur de la honte en 1963 a contribué à fixer les yeux du monde entier sur cette ville qu'une guerre a en partie transformé en ruines, et que le conflit Est-Ouest n'a pas épargné. La chute du mur en 1989, la réunification, et la réinstauration de la ville en tant que capitale de l'Allemagne ont soumis Berlin au défi de la rénovation - défi relevé avec brio.

Je m'y suis donc rendu avec ma bande de zouaves (Pétaire de retour de Namibie, Gui, Laure et Cléra qui nous gentiment hébergés) pour célébrer le nouvel an, et découvrir une ville dont j'attendais beaucoup, et qui ne m'a pas déçu !

Laure, Clara, Pétaire et Gui

Difficile de trouver un point de départ pour décrire une ville de cette ampleur : 3.5 millions d'habitants, une superficie de 8 fois supérieure à celle de Paris... "La ville où tout est possible", comme on me l'a souvent décrite, ne manque pas de superlatifs ! En 1910 déjà Karl Scheffler, essayiste et critique d'art disait "Berlin est une ville qui n'est jamais, une ville en permanent devenir". J'y ai séjourné une semaine et l'ai quitté avec une désagréable sensation d'inachevé, comme si je n'avais pu explorer que superficiellement ses innombrables richesses. Cela ne m'a pas empeché d'apprécier l'incroyable diversité de Berlin, et ne va pas m'empêcher de vous en faire part.

Histoire et Mémoire

Comme la tendance actuelle en Europe est à cataloguer selon certains préjugés et idées reçues, ne nous privons pas pour en faire autant pour Berlin et l'Allemagne : casques à pointes, déclencheur de guerres, nazisme, holocauste, USA VS URSS, nageuses est-allemandes... L'Allemagne a parfois du mal à se débarasser de ces images, et peine à assumer les erreurs du passé. Du moins c'est ce que l'on peut croire vu de l'extérieur... Ce que j'ai pu voir sur place m'a démontré tout le contraire, et les récentes évolutions ont fait de Berlin un havre de tolérance (en témoigne la love parade, rassemblement de musique techno né en 1989 pour demander la chute du mur), un hymne à la paix, et les différents projets visant à commémorer les horreurs du passé ont réussi la difficile alliance entre repentance et réflexion, chose plutôt rare. Des examples ? Le Jüdisches Museum (musée Juif) d'abord. Qui dit musée juif en Allemagne pourrait supposer un rapport exclusif aux années noires de l'holocauste. Que nenni ! D'une architecture remarquable signée Daniel Libeskind, le musée retrace 2000 ans d'histoire et de culture juive. Le bâtiment est composé de 3 axes : l'axe de l'exil retraçant les événements qui ont conduit le peuple juif à se constituer en diaspora ; l'axe de l'holocauste, et enfin l'axe de la continuité, symbole d'avenir. A l'énumération de ces axes, on comprend vite que la lamentation n'a pas sa place ici, mais qu'on est dans une démarche bien plus constructive. Néanmoins et compte tenu de la gravité d'un événement comme la Shoah, le musée propose une expérience marquante avec "la tour de l'holocauste", à la fin de l'axe du même nom. Au bout d'un couloir ponctué de documents relatifs à cette période, un homme en noir tout sourire ouvre une porte et nous laisse entrer dans une pièce éclairée seulement par une fente de lumière en hauteur, porte qu'il referme aussitôt. Et les quelques secondes qui s'écoulent entre l'entrée dans cette tour haute de 24 mètres et dont la seule issue est cette mince ouverture sont simplement renversantes. Sans savoir pourquoi, on avance dans la direction de cette lumière pour finalement se rendre compte que la pièce est fermée, et passer par tous les états : "qu'est-ce qui se passe ?", "comment on sort ?", "c'est prévu au programme où cherche-t-on à nous séquestrer ??"... Difficile de transcrire par des mots les émotions ressenties en une dizaine de secondes, mais l'expérience est unique, le but étant de nous soumettre à une incompréhension comme fut celle à laquelle firent face les millions de juifs à leur arrivée dans les camps (dans une bien moindre mesure, évidemment).

Autre monument qui mérite d'être cité, le Denkmal fur die Ermordeten Juden Europas (monuments pour les juifs assassinés d'Europe), érigé en 20o5 et qui fut l'objet d'un âpre débat au Parlement Allemand. Ce n'est qu'en 1999 qu'un tel projet fut décidé - mais quel projet ! Il est l'oeuvre de Peter Eisenman, et comprend 2711 stèles, formant un cadrillage parfait. La hauteur de ces stèles augmentant à mesure qu'on se rapproche du centre, on a du mal à apercevoir le ciel une fois arrivé au milieu de l'oeuvre et l'atmosphère y devient alors plus que pesante. L'emplacement de ce mémorial est hautement symbolique puisqu'il est situé entre deux lieux chargés d'Histoire : la porte de Brandebourg, symbole de la césure Est-Ouest, et le Reichsatg, Parlement Allemand, comme pour admettre que cette période noire est un pan de l'Histoire Allemande qu'il ne faut sous aucun prétexte tenter de nier (Faurisson, si tu passes par là...).

Les mémoires du mur de Berlin sont elles aussi omniprésentes : sans compter les nombreux vestiges du mur (notamment la magnifique East Side Gallery, ornée de fresques toutes plus colorées les unes que les autres), on peut trouver ça et là des stèles célébrant les habitants de Berlin Est tués en voulant rejoindre la partie Ouest de la ville. Enfin, le musée de l'Histoire Allemande parachève cette approche constructive en évitant l'autoflagellation au profit de la réflexion. Malheureusement, on a seulement survolé la partie contemporaine du musée, faute de temps, ce qui ne permet pas de m'étaler plus sur le sujet.

La baiser entre Honecker, chancelier dela RDA, et Brejnev, à la tête de l'URSS


Urbanisme et Architecture

Après la première balade en ville, les premiers mots qui me sont venus à l'esprit sont : "tout ça, c'est un gros bordel génialement organisé". La chute du mur a permis de découvrir ce que voulait dire "urbanisme" à l'Est : des blocs de béton qui succèdent à d'autres blocs de bétons, qui eux-mêmes succèdent à... etc. De considérables efforts (financiers notamment) ont alors été mis en place pour réhausser le niveau de feu Berlin Est, ce qui en fait aujourd'hui la partie la plus en vogue, loin devant Berlin Ouest (non sans s'attirer les jalousie des berlinois de l'Ouest, quelque peu nostalgiques). Comment savoir si nous sommes dans Berlin Est ou Berlin Ouest me direz-vous ? Tout simplement grâce aux petits bonhommes qui vous autorisent à traverser la route ou non : ils son coiffés d'un chapeau côté Est !

Eu égard à son étendue, il serait vain d'énumérer toutes les richesses architecturales de la ville. Néanmoins deux quartiers m'ont particulièrement frappés : la Potsdamer Platz tout d'abord, à qui les années 90 ont redonné toute sa gloire. Cet ancien centre animé et réputé dans l'Europe entière durant les années 20 et 30 est devenu un no man's land total suite à la construction du mur, qui la traversait de part en part. A sa chute, l'endroit fut le théâtre d'opération d'architectes désireux de marquer de leur griffe ce lieu mythique. Aujourd'hui, les grues qui constituaient l'unique paysages ont cédé leur place : les buildings de verre et d'acier du complexe DaymlerChrysler sont devenus le symbole du renouveau de la ville, et la coupole du Sony Centre - merveille architecturale s'il en est - est devenue une référence mondiale en terme d'architecture moderne.

L'autre endroit à ne pas manquer pour quiconque visite Berlin est le quartier gouvernemental, fraîchement rebâti. Nombreuses sont les anecdotes relatives à l'endroit : en juin 1988, Michael Jackson y donne un concert dans le cadre de sa tournée "Bad World Tour". Apprenant que des spectateurs se sont massés près du mur côté Berlin Est, il décide d'orienter certains amplis dans leur direction, créant alors un mini incident dilomatique. Après la chute et la réinstauration de Berlin comme capitale de l'Allemagne réunifiée, les projets les plus fous furent présentés (l'emballage du Reichstag avec des draps par Cristo par exemple). Au final, d'imposantes réalisations ont vu le jour : la chancelerie, les centres documentaires du Reichstag et la gare centrale (spécialement construite pour la coupe du monde de football en 2006) sont là encore un exemple du renouveau de la ville. La coupole en verre qui coiffe le Reichstag m'a particulièrement emballé. En choisissant ce matériau, Norman Foster a voulu insister sur la transparence du pouvoir politique et tourner la page de l'autoritarisme. Son époustouflante structure offre une vue panoramique exceptionnelle sur toute la ville. Malheureusement, il venait de neiger quand nous l'avons visité, et n'avons pas pu pleinement profiter du spectacle, qui reste cela dit impressionnant.

L'institut du Reichstag, centre de documentation et de recherce




Le Reichstag


La Platz der Republik

Vue panoramique de Berlin au dessus, intérieur de la coupole en dessous

Pour terminer ce chapitre "contemporain", je citerai la Fernsehturm (Tour de Télévision), qui du haut de 328 mètres domine toute la ville.

Outre ces constructions modernes, la ville regorge aussi de monuments plus "classiques" comme toute capitale qui se respecte, en témoignent le Berliner Dome ou encore la fameuse porte de Brandebourg.

Tacheles

Comment ne pas parler de ce squatt, symbole de la culture "alternative" de Berlin ? Ancien magasin détruit pendant la seconde guerre mondiale, cet immeuble plus ou moins en ruines est devenu un repère d'artistes dans les années 90, et fait aujourd'hui office d'atelier-résidence-magasins dans lequel travaillent-vivent-vendent les artistes. Le site est absolument à voir : une lumière blâfarde laisse découvrir des murs entièrement taggés et couverts d'affiches, en faisant des oeuvres en soi. Chaque étage propose une galerie et une terrasse (malheureusement fermée en hiver) fait office de toit. Dans la cour intérieure, ce qui ressemble à garage ou un atelier est en fait une terrasse/discothèque prisée des berlinois. Cet endroit m'a scié de par l'ambiance qui y règne, et par la diversité des oeuvres. Collages, sculptures, toiles, ces artistes font de tout avec n'importe quoi par passion, complètement déconnectés du monde extérieur. Exactement le genre d'endroit que j'espérais pouvoir découvrir à Berlin, et qui n'existe certainement pas ailleurs.


Je pense avoir passé à peu près en revue tout ce qui m'a marqué à Berlin, qui est incontestablement une destination que je recommande chaudement à qui aime la diversité sous toutes ses formes. Une chose est sûre, "la ville où tout est possible" est le surnom qui lui sied le mieux : je me suis même retrouvé aux côtés de Quentin Tarantino qui dégustait quelques margaritas dans un bar mexicain...


6 commentaires:

Dons a dit…

Gut and Gunstig!

Le sérieux et la documentation sans faille de ton article contraste quand meme sévèrement avec le niveau intellectuelo-éthylique qu'on a pu atteindre pendant ce séjour...

Ah et quant à la partie contemporaine du musée de l'Histoire Allemande qu'on a ratée, on remerciera ceux qui ont voulu s'attarder sur chaque portrait de chaque casque à pointe du 12°siècle primitif ^^

Les parapluies de Bergen a dit…

Je suis pas d'accord, parce que pendant que toi t'étais occupé à râler sur ce qu'on voyait, moi, Môssieu, je m'instruisais ! Et oui !

Dons a dit…

Parce que tu vas me dire que t'étais content de rater toute la partie contemporaine ? ^^

Les parapluies de Bergen a dit…

Je décline toute responsabilité et me tourne vers Gui et son amour des armures.

Anonyme a dit…

Allez voir chez les grecs, vous etes que des incultes, attendez, le casque à pointe romano germanique c'est décisif dans la construction de l'identité militaire allemande merde!

De plus j'étais toujours en tete dans l'expo c'est Rol qui décryptait le Allemand ancien pour se cultiver.
Sinon en effet c'est un véritable article de professionnel chapeau l'artiste

Anonyme a dit…

Très intéressant!!! Il me faut un passage obligé à Berlin ce semestre. C'est assez étonnant comme les Allemands eux, ne comprennent pas notre engouement pour la ville. Tous devant mon enthousiasme sont restés perplexe. C'est pourtant un lieu tellement changeant, mélangeant passé, futur... J'ai hâte d'y être!